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Témoignage de personne proche aidante

Ma mère

Texte de Yolande Naggar, proche aidante à l’AQA 

En plus d’être prisonnière de son corps paralysé, ma mère est aussi dépendante d’un système de santé qui reconnaît peu l’aphasie et ses différents aspects comme un trouble distinct.

Son langage, composé de signes, de colère, de joie, de peur, de tristesse, d’impatience, de fous rires, tend à devenir de jours en jours, plus clair. C’est une personne à part entière et magnifiquement vivante, malgré son aphasie et sa paralysie.

« recule la chaise vers l’arrière; je veux aller dans mon lit; j’aimerais être changée; j’ai peur, le trottoir
est brisé, j’ai faim, j’ai soif; je ne veux pas entrer… Cette dernière phrase peut désigner plusieurs choses selon le contexte »

Ses mots décousus, ses lettres écrites de sa main gauche tremblante, son engouement à faire les exercices qu’on lui propose au centre de conditionnement physique, à participer à des activités de groupes dans son milieu de vie, à sourire, à saluer et à remercier les personnes qui se préoccupent de son bien-être ….Tout ce qu’elle est m’incite à l’accueil du moment présent, au courage et à la persévérance dans ma propre vie.

Tel qu’appris lors des rencontres avec les orthophonistes du Sappa, j’essaie d’avoir, régulièrement, crayons et papiers en main, au cas où je ne la comprendrais pas ou que je ne saurais pas me faire comprendre d’elle. Parfois elle les repousse, d’autres fois, elle gribouille des lettres, qui ressemblent à des mots… Qu’importe, je recommence quand elle est moins fatiguée, plus réceptive. Histoire qu’elle puisse reprendre confiance en sa main gauche, la seule qui lui reste et celle dont on l’a privé si longtemps. Seule la main droite était autorisée pour l’écriture à son époque.

Dans mon groupe de proches aidantes, initié et encadré par des orthophonistes du SAPPA, toutes les participantes sont des femmes courageuses, partageant des problématiques similaires reliées à un proche atteint d’aphasie. Les stratégies de communication ainsi que les rapports de recherches scientifiques mis à notre disposition, me sont très utiles pour identifier le type d’aphasie et pour améliorer mes échanges avec ma mère. On exerce aucune pression de performance. Nous sommes plutôt encouragées à dialoguer avec notre proche le plus naturellement possible. Ce lieu de rencontre accueillant et sans jugement, me sécurise et me fait un grand bien. De plus, j’y apprend à respecter mes limites, à ne pas avoir peur de commettre des erreurs de communication, à recommencer ou aller chercher de l’aide au besoin.

Mon seul désir pour ma mère est de la savoir bien, autant que possible, de même qu’en sécurité, avec le minimum de douleur et capable d’exprimer ses besoins, d’une façon ou d’une autre. Quand elle chante, qu’elle danse en faisant zigzaguer sa main au rythme de la musique, je sais qu’elle est heureuse. Je n’ai pas toujours les mots pour la rassurer lorsqu’elle a peur, mais je crois qu’elle sait qu’elle peut compter sur moi jusqu’à la fin de son voyage sur Terre et non pas sur la planète Taire… Quand elle me témoigne de l’affection en me tenant la main, par exemple, pendant une émission de télé, qu’elle m’accueille avec un élan de joie lors d’une visite, j’en suis émue et heureuse de savoir que ma présence lui ait du bien. Ma mère et moi sommes la preuve vivante qu’il est toujours temps d’améliorer une relation.

Merci à vous chères intervenantes du SAPPA de me soutenir, de m’encourager, de me valoriser dans mon rôle de proche aidante. Grâce à votre travail ma relation avec ma mère est devenue plus qu’un rapport d’aidante à aidée. Elle est composée d’échanges et d’écoute agréables la plupart du temps. Merci, également, pour tout le travail de recherche que vous effectuez, en parallèle pour faire reconnaître l’aphasie auprès de nos gouvernements, en tant que trouble distinct de la parole qui mérite des services particuliers et nécessaires à une bonne qualité de vie. Grâce à vous toutes, je me sens beaucoup plus outillée, bien entourée et accueillie telle que je suis. Vous m’êtes très précieuses! Je souhaite que de plus en plus de personnes atteintes d’aphasie ainsi que leurs proches puissent bénéficier de vos diverses approches pour l’accueillir une comme une nouvelle réalité qu’il est possible d’apprivoiser et d’adapter à leurs vies.

Finalement, merci à moi de continuer de prendre soin de moi en allant chercher les ressources nécessaires. Ce qui me permet de mieux aider, à mon tour, ma mère et d’autres personnes. Je suis convaincue que c’est ce que ma mère souhaite le plus pour tous ses enfants, leur bien-être. Notre relation s’enrichit en qualité un peu plus chaque jour.

Nous avons toutes et tous intérêt à mieux communiquer. Tant pour prévenir ou ralentir les divers troubles reliés à l’aphasie que pour enrichir nos relations de façon générale. Ce sont les principales raisons pour lesquelles il me fait grand plaisir de partager le présent texte, en guise de témoignage de ma propre expérience.

Un grand merci de votre attention,
Yolande
Proche-aidante

 

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